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Yawl de course Jullenar, 1875

Bulletin 106 - 2003/4

Le "Jullenar", nommé après les "Nuits Arabiennes", Princesse Jullenar de la mer, a été conçu et construit par E.H. Bental en 1875 sur la Blackwater en Essex. Il a eu beaucoup de succès et a été célèbre en son temps, ce qui est d’autant plus intéressant car E.H. Bental, loin d’être un architecte naval, était en fait un fabricant de charrues et d’instruments pour l’agriculture ; un amateur doué sans formation officielle.

A cette époque, très peu d’études avaient été faites sur la résistance d’un corps se mouvant dans l’eau et les conceptions allaient plutôt vers des coques plus longues pour accroître la vitesse. Bentall s’est éloigné de cette poupe en surplomb ridicule pour changer les lignes de la coque et en accroître sa profondeur effective, le but étant d’obtenir plus d’appui dans l’eau et de réduire la gîte du yacht selon la force du vent donnée.

Un jour, alors que je donnais un coup de main dans un magasin de charité, j’étais en train de trier les livres que l’on allait vendre. Un des livres était dans un piteux état. Il avait été abîmé par de l’eau, la couverture était très déchirée et le dos complètement ouvert. J’en lus le titre : Bibliothèque de Badminton, par Lord Brassey, G.L. Watson & et autres auteurs. Des trucs pas très intéressants et dans ce cas, on ne va pas pouvoir vendre ce livre, ai-je pensé et je l’ai lancé dans la benne. Alors que le livre volait dans les airs, j’ai aperçu le plan d’une coque juste quand les pages se sont ouvertes. Quand j’ai examiné les pages en question de plus près, j’ai découvert les lignes de la coque et une photographie du Jullenar, et c’est à partir de ça que les plans ont été dessinés. La date d’édition est 1894. Cela prouve qu’on peut croire le vieil adage : Ne vous fiez jamais à la couverture d’un livre.

Un intéressant commentaire de Sir Edward Sullivan Bart, un des co-auteurs du livre :

"Je pense qu’on a une fausse idée du coût du yachting. Les courses de yachts, surtout les modèles modernes de 150 ou 170 tonnes, coûtent très cher. L’entretien constant des pièces détachées et de l’équipement est incroyable. Je crois que lors de la saison de yachting de 1893, le vaisseau Le Britannia, de S.A.R. le Prince de Galles a cassé ou endommagé 3 mâts ; et certains de ses concurrents n’ont pas été plus chanceux que lui. Ensuite, les coûts des courses sont très lourds : 10 shillings par homme quand on perd et 20 shillings quand on gagne, avec viande de bœuf et bière à volonté, etc…, tout ça augmente la dépense surtout quand vous avez une grande équipe et le nouveau type de bateau de course avec la bôme de 90 pieds de long. Quand vous regardez ce type de courses, on a l’impression que les bateaux sont remplis d’hommes. En plus des 10 ou 20 shillings par homme, le skipper a 5% ou 10% de la valeur du lot gagné ou son équivalent.

Donc, une équipe gagnante de 30 hommes dans une course moderne fait facilement un gros trou de 1000 £, si on compte seulement les salaires, sans parler du coût des espars, des voiles,de l’équipement, etc. Bien sur, ce n’est pas grand chose si on compare avec l’entretien d’un groupe de chiens de chasse ou bien d’une forêt à cerfs, ou bien une bonne lande de coqs de bruyère ou de faisans élevés à grande échelle. Mais même aujourd’hui, 1000 ou 1500 £, c’est quand même quelque chose.

Mis en fait, la navigation de plaisance n’est pas un loisir très onéreux. Les salaires pour un cotre ou une goélette de 100 à 200 tonneaux varient de 50 à 110 £ par mois à l’extérieur, et les frais d’entretien, si le navire et l’équipement sont en bon état, sont très modérés ; et sans aucun doute, la vie à bord d’un yacht est beaucoup moins chère que la vie sur la côte.

30 à 40 £, ou même jusqu’à 50 £ par semaine peuvent facilement aller en notes d’hôtel si c’est une grande équipe. La moitié de cette somme fait marcher un yacht de 100 tonneaux, en mer pendant 3 ou 4 mois, même en incluant les salaires et les frais d’entretien."