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Atlantique

Bulletin 106 - 2003/4

ATLANTIQUE est un quatre-mâts barque de la Compagnie A.D. Bordes. Comme LOIRE, il faisait partie des 10 premiers voiliers de ce type construits pour cette maison d’armement. Il fut lancé en 1897 à Nantes aux Chantiers de la Loire et valait alors un million de francs.

Ces dix premiers navires en acier furent construits avec de légères modifications d’un bâtiment à l’autre et leur complexité était extraordinaire.

ATLANTIQUE fut le dernier navire de la compagnie à naviguer, son ultime voyage ayant été un chargement de blé d’Australie. Puis, il fut livré à la démolition en 1926.

Sa longueur hors-tout était de 97,87 m ; la longueur entre perpendiculaires de 92,35 m ; le bau maximum de 13,52 m ; le tirant d’eau moyen en charge de 6,78 m et le creux de 8,28 m.

A part un échouement malheureux sur les bancs de Zuiderlaaks près de la côte hollandaise en 1904, alors qu’il se rendait d’Iquique à Hambourg avec du nitrate de soude, ATLANTIQUE eut une carrière heureuse et fut un très bon marcheur ; il mit notamment 71 jours en 1907 sur le trajet Iquique-Dunkerque. Sa démolition fut une fin pénible alors qu’il eut la chance de traverser la période de la guerre sans aucune avarie.

Antoine-Dominique Bordes, originaire du département du Gers, créa cette formidable maison d’armement qui compta jusqu’à 127 voiliers portant son guidon blanc entouré de rouge. Ses navires blancs, peints à batterie, c’est-à-dire ceinturés d’une large bande de faux sabords noirs soulignée d’un liston noir, avaient une allure majestueuse sans pareil. Après avoir travaillé au Chili, il rentra en France à Paris ainsi qu’à Bordeaux où il s’installa Quai des Chartrons, l’équivalent du célèbre Quai de la Fosse nantais d’alors. Il naquit en 1816 et mourut en 1883. Le premier capitaine d’armement de sa maison fut Pierre Dupuy, un basque de Béhobie, dont le successeur, Eugène Voisin, est considéré comme le créateur des belles unités de la maison Bordes. Toutes ces précisions historiques sont extraites du livre de Louis Lacroix, "Les derniers Cap-horniers français" paru aux Editions Maritimes et d’Outre-Mer, et de celui de Jean Randier édité aux Quatre Seigneurs, "Grands voiliers français, 1880 - 1930" ; dans ce dernier, vous trouverez un plan de référence extrêmement précis.

J’avais initialement prévu de construire le NORD, voilier très voisin, mais plus connu. N’ayant pas trouvé suffisamment de renseignements à son sujet, j’ai choisi ATLANTIQUE dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’ici. Dans la mesure du possible, je retiens le nom qui convient le mieux au type de bateau que je construis. Pour une foi que notre océan est à l’honneur, je saisis l’occasion de ce beau nom. J’ai eu la grande surprise, en visitant en Août 87 le musée de la mer de Paimpol, sur le port près du Centre Nautique des Glénans, d’y trouver un joli bateau en bouteille, précisément le NORD, dont la construction simple comme le voulait l’usage laissait parfaitement voir qu’il s’agissait d’un quatre-mâts Bordes. Présenté dans une bouteille soufflée, il m’a ravi. De plus, il illustre bien ce que doit être un bateau en bouteille traditionnel : une belle bouteille, une présentation sobre, un gréement réaliste et une bonne synthèse de la "perception du réel" du bateau ; c’est-à-dire qu’il faut savoir, en raison de la petite taille de nos modèles, retenir l’essentiel de ce qui en fait les caractéristiques, de ce qui permet de l’identifier au premier coup d’œil. Pour un tel bateau, nous pourrions limiter ce "signal visuel" à la décoration particulière de sa coque qu’il faudra fidèlement reproduire. Ajoutons-y quand même aussi les quatre mâts, alors que les autres éléments, (roufs, embarcations) sont plus accessoires. C’est en cela que le modèle du musée de Paimpol est exemplaire.

Si j’ai eu un temps l’envie de faire ATLANTIQUE dans cet esprit, je m’en suis vite éloigné et la dérive a été importante... Car j’ai choisi une grande bouteille circulaire de 3 litres, au volume si confortable que j’ai voulu l’utiliser au maximum. Le diamètre intérieur du goulot un peu large (23 mm), la longueur interne disponible (27 cm) et le bon diamètre de son ventre (11 cm) m’y autorisaient. La longueur totale de la bouteille est de 44 cm. J’ai donc fait une véritable "maquette" qui m’a demandé un temps fou ; fou aussi le nombre de "pièces" que je me suis amusé à compter, pour voir... Il y en a 342 pour la coque et les aménagements de pont, 49 pour la mâture, 34 étiquetées "diverses" (poulies, pavillons et... la fumée !), soit en tout 425 éléments, auxquels il faut encore rajouter les voiles. La limite avec le bateau en bouteille est franchie depuis longtemps !

La coque est en buis, en un seul morceau ; elle mesure 19,5 cm et avec le beaupré, la longueur totale est de 24 cm. Le plus important, était de bien la décorer et d’apporter le plus grand soin à la ceinture de faux sabords. Sa largeur généreuse (22 mm) permettait d’envisager une reproduction détaillée de ses équipements, et ils sont nombreux. Le deuxième point qui me tenait à cœur était de reproduire les passerelles réunissant entre eux les roufs, évitant aux hommes d’être trempés ou emportés par les paquets de mer s’abattant sur le navire. J’ai eu du mal à les construire, véritable dentelle de bois et de fil, avec leur double filière de sécurité. La dunette et le rouf sont rapportés, pour être bien décorés. La voilure n’est pas intégralement établie ; les voiles basses sont ferlées, sauf la misaine ; les perroquets et les cacatois aussi. Seuls sont déployés les huniers (fixes et volants), la misaine donc, la brigantine, les voiles d’étai basses et deux focs. Ainsi, le gréement est bien visible, surtout si l’on prend soin de regarder le bateau en orientant le goulot de la bouteille vers la gauche.

Je ne vous proposerai pas de plan détaillé dans cet article à cause de sa trop grande difficulté d’exécution ; vous le trouverez dans le livre de Jean Randier.

Ainsi ATLANTIQUE est la pièce maîtresse de ma collection ; pour l’instant seulement, car d’autres projets s’élaborent petit à petit...

Saint Jean de Luz, mai 1988