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Accueil > Articles en ligne > Le port fluvial de Villeneuve-le-Roy (3)
Un article en six parties :
1) Pourquoi le port de Villeneuve ?
2) Conception et documentation
3) Un principe de base : l’échelle sensible
4) Un peu de technique et des matériaux
5) Principes d’assemblage et outillage
6) À voir dans le flacon (et sources icono)
Ce travail est dédié à François Beaudouin.
Gérard Aubry, d’octobre 2013 à mai 2014
À propos des petites et grandes « tricheries » de l’échelle de réalisation de l’ensemble, il faut ici préciser que la contrainte engendrée par le volume étroitement limité de contenant impose de « truquer » les distances et les volumes, de composer un ouvrage tout en trompe l’œil.
Contrairement au maquettiste qui s’applique en général à respecter au plus près possible l’échelle de réalisation de son modèle, j’utilise un artifice que l’on dénomme aujourd’hui en imagerie virtuelle « échelle sensible ». Mais on pourrait dire d’une manière plus imagée « échelle élastique ». Cet artifice consiste aussi à modifier certaines formes ou proportions pour : soit compenser une atténuation visuelle des caractéristiques fines du modèle qui tendent à disparaître proportionnellement au taux de réduction d’échelle, soit compenser le fait que l’angle d’observation de l’objet n’est plus naturel et privilégie certains plans au détriment d’autres, vus habituellement de prime abord. Par exemple : la tonture d’un navire (cette courbe gracieuse qui relève progressivement son pont en partant du milieu vers l’avant et l’arrière) : plus l’échelle de réduction sera importante, plus elle deviendra difficile à réaliser et à percevoir. Elle sera donc très légèrement accentuée pour lui redonner un peu de nerf. Pareillement, la quête d’un mât, l’apiquage d’une vergue (leur inclinaison), caractéristiques de certains voiliers, seront accrus. Quant à l’angle de vision, il faut bien retenir que l’on observe toujours un modèle « d’en haut » alors qu’au naturel, c’est plutôt d’en bas. Voyez un paquebot par exemple, sa vue depuis le quai d’embarquement projette vers le ciel l’élancement de son étrave qui semble devoir vous écraser telle une grande vague déferlante, image souvent reprise et largement amplifiée par les stylistes des affiches des compagnies maritimes de la première moitié du XXe siècle. Mais lorsque vous regardez sa maquette, c’est vous qui plongez sur les ponts qui prennent alors une importance excessive avec les bouches béantes des cheminées et les tauds (bâches) qui couvrent les canots de sauvetage. Cette vue, elle aussi parfois reprise par les affichistes, présente alors le paquebot « vu d’avion », mais sa muraille (la partie verticale de la coque au-dessus de l’eau) disparaît quasiment, masquée par le pont principal bien que vous ne voyiez qu’elle depuis le quai d’embarquement.
Autre motif d’utilisation de l’échelle sensible, l’exagération, toujours modérée, de la taille des personnages qui permet d’apporter plus de vie à la scène, de lui donner un petit air « art populaire » dont une grande partie du charme vient justement du manque de respect technique (volontaire ou pas) de certains artistes dits « naïfs ».
Si nous poussons encore l’application de ces principes, nous parvenons aux confins de la caricature. Voici deux exemples pour illustrer ces propos : un steamer du Mississippi redessiné par Jean Heitz dans un article de la revue Le Modèle Réduit de Bateaux, et cet autre caricaturé par Morris dans sa bande dessinée « En remontant le Mississippi ». ou encore ce vaisseau hollandais de la fin du XVIe siècle dessiné par Björn Landström, repris en 1961 par André Franquin dans un dessin caricatural avec à son bord le petit monde des Éditions Dupuis.
Je vous emmène bien loin, me direz-vous, du port de Villeneuve, mais cette petite digression m’est nécessaire pour expliquer la conception de ma mise en scène. Ainsi les distances qui séparent les deux poternes, la tourelle carrée, les bâtiments qui préfigurent l’actuel restaurant La Lucarne aux Chouettes et la Porte du Pont, sont-elles contractées. Le coche d’Auxerre, la besogne et le marnois sont raccourcis, le train de bois ne comporte qu’un court « coupon » de grumes (bûches brutes) À l’inverse, les deux pots à feu qui coiffaient alors les pilastres extérieurs de la Porte du Pont sont très probablement disproportionnés, question de rééquilibrage des masses.
Afin que le spectateur puisse faire un lien visuel entre la scène et l’actuel quai de Bretoche, quelques éléments d’aujourd’hui sont volontairement introduits dans la muraille : une partie des bâtiments de la Lucarne aux Chouettes (ancien entrepôt portuaire), les maisons immédiatement à gauche et à droite des deux tours et la petite terrasse du « Bistrot », désormais « Pizzeria du Pont ». S’ils n’existaient probablement pas, du moins sous ces formes, en 1780, ils ne sont pas non plus « impossibles ». J’ai aussi « inventé » la bannière qui rappelle celles qui ponctuent de nos jours l’avenue Carnot du côté de la porte de Sens. Entre les deux symboles de la ville, j’ai intercalé ma signature, un monogramme très immodestement inspiré de celui d’Albrecht Dürer…
À suivre…
4) Un peu de technique et des matériaux
5) Principes d’assemblage et outillage
6) À voir dans le flacon (et sources icono)