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Le port fluvial de Villeneuve-le-Roy (6)

Un article en six parties :
1) Pourquoi le port de Villeneuve ?
2) Conception et documentation
3) Un principe de base : l’échelle sensible
4) Un peu de technique et des matériaux
5) Principes d’assemblage et outillage
6) À voir dans le flacon (et sources icono)

Ce travail est dédié à François Beaudouin.
Gérard Aubry, d’octobre 2013 à mai 2014

À voir dans le flacon

Les personnages

Ils sont une centaine environ. Les passagers du coche d’eau : négociants et voyageurs de commerce, ouvriers saisonniers, nourrices du Morvan, mariniers de chênaies, qui nous l’avons vu, n’ont plus de bateau, et flotteurs de trains de bois remontants. Mais aussi les voyageurs particuliers peu argentés, ou aisés qui ne supportent pas les désagréments des voitures à chevaux (plus rapides mais plus chères et très inconfortables sur les mauvais chemins et par mauvais temps).

Tout au fond du flacon, près de l’abreuvoir battent les lavandières. En arrière, des manouvriers rentrent par la poterne des sacs de grain ou de farine vers la rue du Batardeau. A droite de la tourelle carrée, un chantier de mariniers couvert de bardeaux s’appuie sur la muraille. Deux scieurs de long s’activent selon la méthode en cours chez les charpentiers de marine, quelque peu différente de celle utilisée par les scieurs en forêt. Des branches de thym constituent les grumes en attente, du buis refendu une bille découpée, des baguettes de poirier le bois ouvragé. Sur le chemin de halage, des paysans et paysannes tirent des animaux de ferme et portent des fagots.

L’abreuvoir, lavandières et manouvriers rentrant des sacs.
Légendes : à gauche, scieurs de long de chantier naval. Encyclopédie Diderot. Au milieu et à droite, scieurs de long en forêt. &Agrave droite, en forêt de Montargis à Paucourt. Cliché APAF, Association pour la Promotion et l’Animation Forestière.

La navigation

Le coche de Paris à Auxerre s’apprête à accoster. Des passagers vont descendre, l’on peut aussi en voir assis à l’intérieur, d’autres attendent à quai pour y monter. L’impasse a été faite de savoir si le coche ne faisait qu’une halte ou si les passagers, comme cela est plus probable, dormaient en ville pour repartir tôt le matin. De ce fait, il n’y aurait pas de passagers attendant sur le quai autres que les éventuels parents et amis des arrivants. Nous avons vu plus haut qu’il était nécessaire de dételer. Un homme de quai hale à la main et guide doucement le coche tandis que le haleur dételle ses chevaux. Un autre s’apprête à lover le câble de halage, la cincenelle. Des bagages et du fret de vin attendent sur le quai. L’on peut aussi remarquer que le safran (partie plane agissante du gouvernail) du coche ne touche pas l’eau. L’humidité de la colle et à la tension exercée par les haubans du mât de halage ont incurvé légèrement la coque. Il a été impossible, si loin dans la bouteille d’exercer une pression suffisamment forte pour y remédier, rien n’est parfait.

Parti de Clamecy, un coupon (ou brelle) de bois flotté descend la rivière avec ses trois brelleurs. Le maître flotteur en tête le guide tandis que le boute-d’argez pousse doucement de l’arrière. Le petit homme (équivalent du mousse) assis devant la loge surveille le feu de cuisson du repas. Les oreilles de bois tors protègent latéralement des extrémités du coupon et servent de point d’appui aux perches ferrées. Le train de bois flotté se composait en fait de plusieurs coupons de grumes (bûches brutes), ou de brelles de bois carré (planches ou bois équarris) solidement liées entre elles. Une cabane sommaire, la loge, abritait les flotteurs.

Suivent immédiatement une besogne chargée de gravier et de futailles de vin et un marnois chargé en combles hauts de charbon de bois maintenu par des ridelles en clayonnage. Son système de gouvernail est d’une forme plus archaïque que l’on peut comparer à ceux de la besogne et du coche. Il permet aussi au pilote de gouverner monté sur le chargement d’où il bénéficie d’une bien meilleure visibilité.

Le radeau de bois flotté.
La cambuse et la loge du train de bois flotté.
La besogne, en arrière plan le dételage des chevaux et les passagers en attente du coche.
La poupe du marnois, sous le pont,

Le pont Saint-Nicolas

Sur le quai et la porte du Pont, des officiers de la maréchaussée en garnison veillent aux péages et octrois. Ils organisent aussi les corvées, envoient leurs cavaliers forcer les récalcitrants aux réquisitions. Une Turgotine de Messagerie Royale passe le pont Saint-Nicolas, mais les réformes libérales tentées par Turgot, parmi lesquelles la suppression du droit de halage, provoqueront sa chute. Une charrette de foin pénètre dans la ville, suivie sur le pont d’un cavalier et d’un piéton.

Sur le pont, la turgotine et une charrette de fion, vus par le goulot.
La porte du pont Saint Nicolas et la croix des mariniers.
Sous le pont, le margotat vu par le goulot.

Un petit margotat chargé de son margotin de bûches passe sous la première arche, la place disponible entre le verre du flacon et l’arche coupée, ne permettait pas d’y présenter un bateau important. Une bergère rentre ses moutons par la rampe qu’emprunteront les chevaux pour redescendre sur le chemin de halage.

L’emblème des mariniers, recopié du motif du panneau de la porte leur chapelle dans l’église Notre-Dame de l’Assomption, décore le bouchon, en fait creux et réalisé papier d’Himalaya (en écorce de bouleau), enroulé et contrecollé. Empli de perles de gel de silice, percé de petits trous côté flacon et bouché hermétiquement au mastic époxy coloré façon cire à cacheter, il permet d’absorber les éventuels résidus d’humidité.

Je n’ai malheureusement pas pu faire de prises de vues au cours du montage. La nécessité pour les vues en gros plan d’utiliser un objectif macro-équipé, d’un filtre polarisant circulaire afin de réduire les reflets de la paroi de verre, de travailler avec un éclairage puissant à déplacer pour chaque angle de prise de vue, d’utiliser un pied pour poses longues afin d’améliorer la profondeur de champ, de disposer d’un fond d’écran homogène, de plaquer littéralement l’objectif contre le verre, et enfin les dimensions du flacon, ont fait qu’il aurait fallu le déplacer vers un studio de prise de vues en cours de travail ce qui était parfaitement incompatible avec la tension nerveuse et la concentration permanente qu’implique le travail d’assemblage à l’intérieur.

Sources techniques et historiques.

Batellerie :
- Traité des bois, Claude Caron, 1650.
- Elémens de l’Architecture Navale (Traité pratique de la construction des vaisseaux) Henri Duhamel du Monceau, 1775.
- Encyclopédie Diderot et d’Alembert, 1751-72 : planches ’Marine, chantier de construction’ et arts et métiers divers.
- Bateaux des fleuves de France, François Beaudouin.
- Paris au gré de l’eau, F. Beaudouin.
- Paris sur Seine, F. Beaudouin.
- Les maquettes ex-voto de bateaux fluviaux et Les chemins qui marchent, F. Beaudouin.
- Revue Neptunia, de l’Association des Amis du Musée national de la Marine, n° 53 et 193.
- Rivières et canaux de France, catalogue de l’exposition du Musée national de la Marine, 1977.
- Navigations intérieures. Histoire de la batellerie de la préhistoire à demain, Bernard Le Sueur.
- Les gens de rivière à Villeneuve, collectif, A.V.V. (Association des Amis du Vieux Villeneuve).
- Les métiers d’eau du temps jadis dans nos régions, Hélène Fatoux.
- Auxerre et sa rivière, collectif, Ville d’Auxerre et Conseil Général de l’Yonne.
- Péniches de chez nous, Michel Paul Simon.
- Autour de Notre-Dame, collectif, Action Artistique de la Ville de Paris.
- Du bois pour Paris, Claude Dupont, Confrérie Saint-Nicolas de Clamecy.

Villeneuve le Roy - Villeneuve-sur-Yonne
- Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, Eugène Viollet-le-Duc.
- Plan du pont de Villeneuve Jean Delagrive, 1733. Bibliothèque Nationale.
- Cadastre napoléonien 1837, section O (la ville), Archives départementales de l’Yonne.
- In Études Villeneuviennes n° 1 -3 - 12 - 33 - 36 - 38 - 42, AVV :
Les descriptions de François-René de Chateaubriand (Mémoires d’outre-tombe), et de Jean-Etienne Menu de Chomorceau, (Notes historiques) sur l’état de l’enceinte au XVIIIe siècle.
Les villages de l’Yonne, Victor Petit.
Dessin aquarellé anonyme : Les murailles de Villeneuve et la Porte de Sens vers 1820.
Aquarelle de Sophie Joubert : Le Pont vu du Quai du Commerce vers 1820.
Dessin de Jean-François Dumas : Villeneuve en 1845, le pont et le quai de Bretoche.
Vues en plan diverses des berges et de l’enceinte.
Plans d’alignement de 1840.
Vue sur le quai Bretoche en 1870.

Eléments de la vie quotidienne sous l’ancien régime :
- Cédérom « J’ai vécu au XVIIIe siècle », CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique)
Article paru en 2014 dans le numéro 48 de ’Études villeneuviennes’, le bulletin des ’Amis du Vieux Villeneuve-sur-Yonne’.